Avec la finalisation du plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC), le gouvernement se donnera une feuille de route pour sa politique climatique en vue d’atteindre des objectifs très ambitieux. La gouvernance de l’UE prévoit cependant encore une phase de consultation publique dans le processus de finalisation du plan qui se terminera fin mars.
Partant sur les récentes annonces du gouvernement concernant la hausse des accises et l’introduction d’une taxe CO2 sur les carburants, on peut toutefois regretter un manque de pragmatisme dans la politique climatique au Luxembourg, dans la mesure où l’augmentation des taxes sur les carburants s’apparente à un élément central de la politique climatique, alors qu’elle n’aura aucun effet au niveau de la protection du climat. Sachant que ni la Belgique, ni la France, n’ont annoncé de hausses sur les taxes des carburants, et qu’ils pratiquent un système de remboursement des accises pour les transporteurs professionnels, cette mesure ne provoquera uniquement une délocalisation des ventes de diesel destinées aux transporteurs vers les pays avoisinants.
Depuis l’augmentation des accises du 1er mai 2019, les accises pour un transporteur de marchandises sont déjà moins élevées en Belgique qu’au Luxembourg. L’effet de cette décision du gouvernement a été considérable, et joue encore. Les chiffres témoignent d’une inversion importante de la trajectoire de ventes de diesel depuis le mois de mai 2019. Alors que les statistiques de janvier à avril 2019m témoignaient encore d’une progression des ventes de 7,5% (p.r. à 2018), les ventes de diesel ont baissé de 1,2% entre mai et décembre 2019 (p.r. à 2018). Pour le mois de janvier 2020, les ventes de diesel ont diminué de presque 9% par rapport à janvier 2019.
Bien que la délocalisation des émissions va alléger le bilan au Luxembourg, il importe de noter qu’il existe d’autres leviers pour atteindre les objectifs, qui peuvent s’avérer moins couteux pour l’Etat et dont l’impact sur la protection du climat est largement supérieur (achat de certificats issus de projets européens de réduction des émissions, développement du transport public et de la mobilité durable, etc.). Les récentes annonces du gouvernement sont donc inquiétantes pour le secteur pétrolier et signe d’un changement de paradigme de la politique luxembourgeoise. On peut avant tout regretter l’allure et la hauteur des annonces relatives aux augmentations des taxes sur les carburants qui vont avoir un impact significatif sur les volumes de ventes, sur l’emploi et les investissements dans le secteur, ou encore sur les recettes de l’Etat. Au vu des risques, le gouvernement devrait donc adopter une approche pragmatique et trouver un équilibre entre augmentations de taxes et mesures alternatives afin de s’approcher d’un optimum. Ceci permettra de limiter l’impact des ventes de carburants sur le bilan luxembourgeois à l’horizon 2030, tout en gardant un certain niveau de recettes permettant de financer la transition énergétique.
Dans l’ambition de l’UE pour devenir le premier continent neutre en carbone en 2050, il est clair que l’utilisation d’énergies fossiles devra diminuer à moyen et long terme. La direction est donc donnée, mais il ne sert à rien de mettre la charrue avant les boeufs. D’autant plus que le secteur pétrolier, au vu de ses infrastructures existantes, peut jouer un rôle important dans la transition énergétique (i.e. hydrogène, LNG, CNG,…). Alors, pour rebondir sur le tweet du ministre de l’Energie de décembre 2019 (“We are in great need of money for the energy transition and the fight against #climate change. Each euro going to #nuclear is reducing funding for the real climate solutions”): We are in great need of money for the energy transition and the fight against #climate change. Each euro delocalised by the fiscal policy on fuels is reducing funding for the real climate solutions. #Pragmatic